Lu hier à la médiathèque de Berteaucourt, quelques phrases de Charlie Chaplin - qui a étudié l'Homme mieux que lui ? - Rédigées à une époque antérieure au Dictateur où l'artiste refusait le parlant et pensait encore la parole cinématographique comme un pléonasme : "Le dialogue pour mon usage personnel ? Jamais. Je crois que je ne puis toujours exprimer avec un geste ce que j'ai à dire. En fait, je puis dire plus avec un geste que je ne puis dire avec des mots, car l'assistance finit mon geste. Quand je ne puis que paraître triste, ils me créditent de tous les mots qui furent dits quand ils étaient tristes, de tous les mots qui furent jamais dits, de toutes les tristes choses qu'ils ont jamais lues..."
Une leçon d'épure par la pantomime qui prend une résonance particulière à mes yeux, si on l'applique à la littérature. Comment donner
aux mots la force de l'ébauche, l'essence même du geste et du sentiment ? Réduire les
dialogues, exprimer les méandres de la psychologie humaine par les seuls les actes, les seules ombres changeantes sur les visages, donner à voir et entendre, sans laisser
l'auteur que je suis s'immiscer en filigrane, sans fioriture, sans redondance. Car cet espace vacant, c'est celui du lecteur, sa part de création, qui ouvre vers l'universalité. C'est le fameux : "Ne me dis pas que ton personnage est triste, montre-le moi !", contre l'éternelle tentation de la glose.
L'épure, toujours l'épure. Le suggéré. Mais aussi cette force évocatrice du hors-champ. Et Chaplin d'ajouter : "Je préfère filmer l'ombre d'un train qui passe sur la figure d'un acteur plutôt que de filmer toute une gare."
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