22 oct. 2011

Café littéraire

C'était hier, au bar des Sports de Vignacourt.

Chacun avait apporté un roman qui lui tenait à coeur.
Pour en parler, lire des extraits aussi,
entre deux intermèdes musicaux.
Musique et notes de lectures tressées.
Chouette menu pour cet apéro prolongé.

J'ai toujours aimé entendre les gens qui m'entourent parler de leur livre préféré.

Évoquer avec passion un livre, c'est aussi livrer une part de soi-même. Le livre comme révélateur photographique d'une part inexprimable. Pour transmettre (et mettre en lumière) l'informulable, l'intime comme l'universel.

Un petit moment-cadeau pour moi aussi (et d'émotion...), avec la lecture  - par quatre bibliothécaires - d'extraits de On n'arrête pas les comètes, un roman qui me tient particulièrement à coeur.

Et puis, quelques questions passionnantes, comme le courage d'assumer littérairement un personnage principal abject. Peut-on aimer un livre tout en haïssant le personnage principal (avec l'éternelle question de la nécessité ou non de l'identification) Jusqu'où aller ? Il y a parfois des cas extrêmes (quid par exemple des Bienveillantes de Jonathan Littell, dont la complaisance avec l'horreur a des relents nauséabonds... ?)

Une très belle soirée. Entre émotion et humour, jazz et tango de mots...  et javanaise.

21 oct. 2011

Emergence d'une rencontre


Vendredi. Médiathèque de Flixecourt. On a installé les fauteuils dans le "salon jeunesse" autour d'une théière. Il y a là Anita, Christine, Alain, Geneviève, Angelina, Élodie, Bénédicte et Annick. Tous les sept appartiennent à un groupe de réinsertion sociale qui agit et crée ensemble. Certains ont fait partie de la dernière vague de licenciements avant la fermeture des usines Saint-Frères de Beauval qui a laissé sur le carreau des dizaines de familles sur la région, en 2003. 

Depuis deux ans, ils participent au comité de rédaction du journal Émergence, édité par l'Association Cardan à Amiens, avec l'aide du Conseil Général de la Somme. Un article de fond à chaque numéro, (la question de la mobilité quand on est au chômage, l'activité, etc.), des infos pratiques, et puis et puis, des "tchottes causettes".
En une du n°6 : "Vacant, mais pas en vacances", un titre évocateur. La vacance, les auteurs en galère chronique en connaissent aussi le poids. La vacance des contrats qui finit par rendre vacante l'inspiration. La solitude, la nécessité de retisser du lien et du sens, à échelle humaine. De retrouver la force de l'action collective autour de projets communs.
J'ai apporté quelques livres et manuscrits, juste en points d'ancrage, mais l'essentiel n'est pas là, il est dans l'échange. Dans les silences aussi. Après quelques instants de pudique découverte, les mots fusent, quelques témoignages, les blagues émergent, les anecdotes. On parle aussi naissance d'un récit, rapport texte/image, linguistique et patois. "On est réunis là, pour rompre l'isolement", me disent-ils. "Ce groupe presse, c'est un moyen de se soutenir mutuellement et de rebondir." Et Alain de préciser : "les mots contre les maux, bien sûr."
Prochain rendez-vous est donné fin novembre, il est question d'une interview et d'un thème à défricher ensemble. La solidarité.

11 oct. 2011

L'heure des Diseurs

Hier soir, chouette moment de répétition de lecture-théâtrale avec L'heure des Diseurs. Ce groupe d'amateurs propose depuis une dizaine d'années des lectures mises en espace, sur le territoire du Val de Nièvre, encadrées par la Compagnie les gOsses.*
Cette fois, c'est le comédien Stéphane Piasentin qui anime le groupe. Au menu pour quelques lundis : des extraits entrelacés de mes romans En roues libres et Eve et la pomme de Newton, qui seront présentés le 9 décembre en clôture de la résidence. L'occasion pour moi de voir tresser des passerelles, des résonances entre deux textes écrits à des années d'intervalle, deux textes liés par le thème du rapport au corps. Corps-cage ou corps-langage, corps-don, corps-mouvant... en tout cas, correspondances.

L'approche de Stéphane mêle la lecture à la lisière du burlesque et du mime ; cette première séance m'a permis de renouer avec le théâtre, d'entrevoir l'écriture dans une perspective scénique. Je fais régulièrement des lectures publiques d'extraits de mes livres, mais les entendre par le prisme d'un groupe est une belle expérience. Lorsque le lecteur lit, je ne suis pas sur son épaule. Alors découvrir ses propres mots en voix et en espace, réinvestis par des timbres différents, prolongés par une gestuelle collective, osciller en incarnations multiples, c'est un peu comme en élargir et en déployer le sens.

* La Cie le gOsses, qui, à l'image du réseau des médiathèques et de d'école de musique intercommunale, est l'un des ferments (et ciments) de la pépinière artistique et culturelle du Val de Nièvre. Karine Dedeuwaeder, qui intervient aussi sur le conte musical créé en résidence, en est la directrice artistique. Au fil des jours et des rencontres, je finis par saisir peu à peu les ramifications et les différents acteurs de la vie culturelle. Je retrouve des visages familiers croisés à la chorale, à l'atelier Mémoire de Halloy... ou à la ferme-brasserie, puisque François, mon hôte, fait aussi partie de l'Heure des Diseurs. Il est rare d'avoir autant de synergie entre les acteurs du livre, de la musique et du théâtre sur un même territoire.

10 oct. 2011

Je me souviens

Je me souviens de l'atelier mémoire, à Halloy
Je me souviens du grand escalier qui mène à la bibliothèque
Je me souviens des dames, de leurs sourires interrogatifs
Je me souviens que l'une d'elles avait apporté un classeur
Je me souviens qu'une autre m'a serré la main avec chaleur
Je me souviens de la longue table autour de laquelle nous nous sommes assises et des chaises d'école
Je me souviens du thé, je me souviens qu'il n'y avait pas de madeleine, pourtant je savais que je me souviendrais quand même
Je me souviens de la langue de chat au chocolat que j'ai trempée dans ma tasse à la place
Je me souviens qu'on s'est raconté des histoires, certaines étaient drôles, d'autres, plus émouvantes
Je me souviens de leur émotion quand elles ont écouté ma chanson Ballade pour une gardienne de musée, chantée par Serge Reggiani.
Je me souviens qu'on a parlé de peinture à l'huile et de térébenthine, de l'odeur de la terre la nuit, d'insomnies et de réveil, de la lumière des ampoules qui éblouit le regard endormi
Je me souviens qu'on a parlé de mots cachés, de lexique de charcuterie, de chaussures et de vélo
Je me souviens qu'on a parlé du rapport à la langue maternelle, mais aussi d'enfants d'ailleurs qui refusaient de la parler parce qu'ils se sentaient trop différents, je me souviens qu'on a parlé de patois
Je me souviens d'une blague en Picard et de celle de ch'l'araignée
Je me souviens que l'une des dames m'a confié : "Avant de venir, je ne savais pas s'il fallait
que je mette des talons hauts pour rencontrer un écrivain", et j'ai pensé que moi non plus,
je n'avais pas mis de talons hauts
Je me souviens que l'une d'elles est restée silencieuse mais que ses yeux parlaient beaucoup
Je me souviens qu'on a passé plusieurs heures à échanger
Je me souviens d'un texte glissé furtivement dans ma main, juste avant de partir

6 oct. 2011

Apéritif créatif !

Médiathèque de Vignacourt. Hier.

Ils sont 9, ils ont entre 7 et 10 ans et viennent du Centre de Loisirs, ils veulent écrire une chanson.
Pour démarrer en douceur, je leur fais écouter une musique extraite du spectacle Le paradis bleu,
écrit et interprété par des enfants, un spectacle créé en 2001 avec Georges Fischer, à Nantes.
"Ça y est, j'ai faim !", lance soudain Justin.
J'attrape son exclamation au vol :
" Faim de quoi ?"
" De chocolat !"
" Mais encore ? Et si tu avais faim d'autre chose qui ne se mange pas, qu'est-ce que tu voudrais croquer ?"
"Un dictionnaire !" rétorque Flavie.
Le ping-pong commence, nous cherchons des idées à grignoter, qui ne soient pas alimentaires, et des rimes en "aire"
Dans un coin, Benjamin, 7 ans, écrit, très concentré.
"Je sais, je sais !", s'écrie-t-il comme un diablotin hors de sa boîte, avant de nous chanter, radieux :
"C'est la sorcière
vocabulaire
qui mange un cerf..."
Il a saisi les sonorités, la métrique, le rythme, il a presque swingué. Et nous voilà partis à claquer des doigts avec la sorcière, à scander les phrases, à chercher le balancement.
Ils ont déjà l'intuition de "ce qui sonne".
Nous revoilà à courir après les sons en "ir" avec un vampire. "Aspire ! "plaisir !"
Et puis ce mot étonnant dans la bouche d'une enfant de 7 ans : "Nuire !"



Les phrases se déroulent, comme un tapis.
Il reste encore des couplets à écrire, des images à peaufiner, bien sûr, mais ils ont su capter l'essentiel, vivre le mouvement, jongler ensemble, et surtout, comme le vampire de la chanson, ils ont aspiré le plaisir d'écrire.
Pour découvrir la chanson finie, c'est ici.





Ça y est, j'ai encore faim.
De moments comme celui-ci.

Note : les illustrations de cette page sont des détails d'une fresque 
réalisée par LN Alex et les enfants de Vignacourt en 2009


5 oct. 2011

Cerises bleues

Bon, avec cette météo folle, pas étonnant de voir pousser 
des Cerises bleues à l'automne, même en Picardie... 
Je vous jure, il n'y a plus de saisons !

Enfin si.
Il y en a déjà au moins deux.

Après l'édition de la compil' de la saison 1 des blue Cerises
en septembre en grand format Macadam, aux éditions Milan...

 ...voici, aujourd'hui, la parution de la compil' de la saison 2,
dans toutes les bonnes librairies, ce 5 octobre
(cliquez sur les livres pour plus de détails)  
Les saisons 3 et 4 reliées paraîtront en janvier et février 2012.

Pour ceux qui ne connaissent pas cette série ovni,

3 oct. 2011

Pause à Domart-en-Ponthieu


Quand le cerveau est fatigué de brasser les mots
et a besoin d'un petit Somme :
 on repose le regard...en ouvrant les yeux !

écloses, nectar en camaïeu

cirrhose ? non, raisin noir et rayon bleu

anamorphose, brouillard mystérieux

On ose ? Colin-maillard, c'est mieux à deux !

1 oct. 2011

Comment naissent les histoires

"Vague noire", peinture de Amélie Réveilhac
 
D'un étonnement.
D'une révolte.
D'un cri.
D'un rire.
D'un lapsus.
D'une collision.
Et parfois, une faute d'orthographe. D'un rat de marée.

Et voilà ce rat, surgi d'une erreur d'enfant qui s'appliquait à décrire les effets dévastateurs d'une vague noire, devenu personnage d'histoire. Un rat de marais. Un rat qui surfe sur une vague noire. Et hop. Comment retourner la fatalité comme une crêpe...

Sinon, sur le thème, je vous invite à découvrir Dans la tête de monsieur Adam...